Le Narrateur


© Crédit photographique : Thomas Maisonnasse
Maquette
Peinture, bois
40 x 30 cm
2011

"Il ne serait pas arrivé"
"Je ne l'ai pas vu venir"


© Crédit photographique : Thomas Maisonnasse


Ces deux murs, bien qu’ils ont une face extérieure et une face intérieure, ne séparent pas l’espace en dedans et en dehors mais délimite une frontière qui passe entre eux, donnant consistance à cet entre-deux. En passant entre les murs, on pourra lire d’un côté : « IL NE SERAIT PAS ARRIVÉ », et de l’autre : «JE NE L’AI PAS VU VENIR ». Ces deux phrases se faisant face, se font écho, sans que l’on sache laquelle a commencé, laquelle répond ; sans pouvoir déterminer si elles se répètent ou se contredisent ; suggérant en tous les cas que ces deux murs se parlent en aparté. Elles ébauchent un récit, un dialogue, qui aussitôt se suspend. N’affirmant ni ne niant, elles sont neutres, hors dialectique et hors de tout système d’opposition. Dans ce récit en deux phrases, l’événement essentiel est le passage du sujet de l’énoncer au sujet de l’énonciation, le passage du il au je et du je au il. Il peut s’agir aussi bien du sujet de la phrase au sens de celui qui parle ou de celui ou de cela qui est évoqué ou invoqué. 

  On pourra penser que celui qui n’est pas venu (ou cela qui n’a pas eu lieu) est un sauveur, un secours, et que ce qui est arrivé est la Catastrophe. Au-delà de l’attente messianique, nous voulons suggérer que la figure du témoin est au centre de l’attente inquiète que font entendre ces deux phrases, phrases en attente d’un récit. Car il faut que celui qui raconte soit revenu ; il faut qu’il ait survécu pour porter son témoignage à des tierces personnes. Il faut aussi bien qu’il ait adopté une position de tiers observateur pour attester les faits qui l’ont visé dans sa position de sujet. On sait que le désir de raconter a pu soutenir le désir de survivre.