© Crédit photographique : Thomas Maisonnasse
eaux-fortes et texte mural2007
© Crédit photographique : Thomas Maisonnasse
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QU’AUJOURD’HUI IL PARLERA D’UN TABLEAU DE M. POUSSIN QUI A ÉTÉ LA GLOIRE DE NOS JOURS ET L’ORNEMENT DE SON PAYS.
MAIS AVANT QUE DE PASSER OUTRE ET DE DIRE CE QUI FUT OBSERVÉ PAR M. LE BRUN DANS LE TABLEAU DE M. POUSSIN, IL EST NÉCESSAIRE DE FAIRE UNE IMAGE DE CET EXCELLENT OUVRAGE ET D’EN EXPOSER COMME UNE COPIE QUI, BIEN QUE TRÈS IMPARFAITE, NE LAISSERA PAS DE SERVIR À L’INTELLIGENCE DES CHOSES QUE JE RAPPORTERAI PAR APRÈS.
CE TABLEAU REPRÉSENTE LES ENFANTS D’ISRAËL DANS LE DÉSERT LORSQUE DIEU LEUR ENVOYA LA MANNE. SUR LE DEVANT ON VOIT D’UN CÔTÉ UNE FEMME ASSISE QUI DONNE LA MAMELLE À UNE VIEILLE FEMME ET QUI SEMBLE FLATTER UN JEUNE ENFANT QUI EST AUPRÈS D’ELLE. CETTE FEMME QUI DONNE À TÉTER EST VÊTUE D’UNE ROBE BLEUE ET D’UN MANTEAU DE POURPRE RÉHAUSSÉ DE JAUNE, ET CELLE QUI TÈTE EST HABILLÉE DE JAUNE.
QUE LE PEINTRE AYANT À REPRÉSENTER LE PEUPLE JUIF DANS UN PAYS DÉPOURVU DE TOUTES CHOSES ET DANS UNE EXTRÊME NÉCESSITÉ, IL FAUT QUE SON OUVRAGE PORTE LES MARQUES QUI EXPRIMENT SA PENSÉE ET QUI CONVIENNENT À SON SUJET.
QU’IL FAUT REGARDER LA FIGURE DE LA FEMME QUI DONNE LA MAMELLE À SA MÈRE COMME LA PRINCIPALE DE CE GROUPE, ET LA MÈRE ET LE JEUNE ENFANT COMME LA CHAÎNE ET LE LIEN. LE VIEILLARD QUI REGARDE CETTE ACTION ET CE JEUNE HOMME QUI LE PREND PAR LES BRAS SERVENT DE PART ET D’AUTRE À SOUTENIR CE GROUPE, LUI DONNENT UNE GRANDE ÉTENDUE DANS LE TABLEAU ET FONT FUIR LES AUTRES FIGURES QUI SONT DERRIÈRE.
IL DIT QUE CE N’EST PAS SANS DESSEIN QUE M. POUSSIN A REPRÉSENTÉ UN HOMME DÉJÀ ÂGÉ POUR REGARDER CETTE FEMME QUI DONNE À TÉTER À SA MÈRE PARCE QU’UNE ACTION DE CHARITÉ SI EXTRAORDINNAIRE DEVAIT ÊTRE CONSIDÉRÉE PAR UNE PERSONNE GRAVE, AFIN DE LA RELEVER DAVANTAGE, D’EN CONNAÎTRE LE MÉRITE ET DONNER SUJET, EN S’APPLIQUANT À LA VOIR, DE LA FAIRE AUSSI REMARQUER PLUS PARTICULIÈREMENT PAR CEUX QUI VERRONT LE TABLEAU.
AUSSI L’ON VOIT QUE, NE CONCEVANT QUE DE L’ADMIRATION POUR UNE CHOSE SI DIGNE D’ÊTRE REMARQUÉE, IL OUVRE LES YEUX AUTANT QU’IL LE PEUT ET COMME SI, EN REGARDANT PLUS FORTEMENT, IL COMPRENAIT DAVANTAGE LA GRANDEUR DE CETTE ACTION, IL EMPLOIE TOUTES LES PUISSANCES QUI SERVENT AU SENS DE LA VUE POUR MIEUX VOIR CE QU’IL NE PEUT TROP ESTIMER.
APRÈS QUE M. LE BRUN EUT CESSÉ DE FAIRE TOUTES CES REMARQUES, IL Y EUT QUELQU’UN QUI DIT QU’IL Y AVAIT DANS CE TABLEAU TANT DE CHOSES DIGNES D’ÊTRE ADMIRÉES ET QUI LE RENDAIT RECOMMANDABLE QU’ON NE POUVAIT LUI FAIRE AUCUN TORT, QUELQUE CHOSE QU’ON CHERCHÂT A Y REPRENDRE.
DE SORTE QUE, BIEN LOIN DE TROUVER À REDIRE À TOUT CE QUE M. POUSSIN A PEINT DANS CE TABLEAU, ON DOIT PLUTÔT ADMIRER DE QUELLE MANIÈRE IL S’EST CONDUIT DANS LA REPRÉSENTATION D’UN SUJET SI GRAND ET SI DIFFICILE, OÙ IL N’A RIEN FAIT QUI NE SOIT AUTORISÉ PAR DE BONS EXEMPLES ET DIGNE D’ÊTRE IMITÉ PAR TOUS LES PEINTRES QUI VIENDRONT APRÈS LUI.
CE FUT LE SENTIMENT DE TOUTE L’ACADÉMIE.
ACADÉMIE ROYALE DE PEINTURE ET DE SCULPTURE
SALLE DES SÉANCES
5 NOVEMBRE 1667
TEXTE ÉTABLI PAR FÉLIBIEN
Première reproduction d’après un détail de Nicolas Poussin, Les Israélites recueillant la manne dans le désert, 1637-1639. Description du cartel du Louvre : « Le sujet biblique, tiré de l’Exode, représente les Israélites lorsque Dieu leur envoya la manne, nourriture céleste qui les sauva de la famine. Le miracle, interprété comme une préfiguration de l’Eucharistie, est représenté par une pluie d’hosties. » Collection de Louis XIV, Département des Peintures, Musée du Louvre, Inv.7275
Deuxième reproduction d’après un détail de Charles Le Brun, Le Frappement du rocher, 1648-1650. Description du cartel du Louvre : « Longtemps attribué à Poussin, ce tableau, qui s’inspire effectivement de La Manne (1637-1639, Louvre) du peintre normand, a pu être rendu à Le Brun grâce au témoignage de cinq dessins préparatoires. » Don de Mme Charles Pearson, 1947, Département de Peintures, Musée du Louvre, R.F.1947-2
Texte mural extraits de la conférence de Charles Le Brun à l’Académie royale de peinture et de sculpture, salle des séances, 5 novembre 1667, texte établi par Félibien.
Deuxième reproduction d’après un détail de Charles Le Brun, Le Frappement du rocher, 1648-1650. Description du cartel du Louvre : « Longtemps attribué à Poussin, ce tableau, qui s’inspire effectivement de La Manne (1637-1639, Louvre) du peintre normand, a pu être rendu à Le Brun grâce au témoignage de cinq dessins préparatoires. » Don de Mme Charles Pearson, 1947, Département de Peintures, Musée du Louvre, R.F.1947-2
Texte mural extraits de la conférence de Charles Le Brun à l’Académie royale de peinture et de sculpture, salle des séances, 5 novembre 1667, texte établi par Félibien.